Le WE passé, Liège même puis sa région accueillaient le Tour de France, son prologue, ses premières étapes: Coeur Historique, arrière-pays des Fagnes et d’Ardenne, Seraing, Visé, le plateau hesbignon.
J’ai lu dans bien des endroits, sur les réseaux sociaux, une avalanche de plaintes diverses et variées, sur la mobilité, sur les inconvénients pour les riverains, sur telle ou telle difficulté. De beaux montages sur nos travaux en cours et Dieu sait s’il y en a. Des râleries diverses et variés, parfois bien justifiées, parfois fantaisistes. De grands discours sur les dopés, les piqués, le sport-spectacle, tel ou tel avantage indu, tel ou tel concession de service ou d’espace fait au privé. De grands élans plus ou moins moralisateurs sur le coût de la dépense publique en la matière… Nombre de ces commentaires sont, à la base, pertinents: interroger l’état de notre Ville au moment d’accueillir un grand évènement, interroger la dépense publique, interroger l’organisation mise en place par les différents services concernés (Police, signalisation, propreté).
Je souhaite néanmoins m’inscrire en faux contre ces plaintes et valoriser comme il se doit ce grand évènement! Quel enthousiasme! Quelle foule! Quelle passion! Quelle réussite à bien des niveaux! Que de regards heureux avant, pendant et après le spectacle? Comment ne pas apprécier à sa juste valeur les sourires enthousiastes de ces si nombreux spectateurs?
Quelques éléments de réponse à ceux qui voient le verre à moitié vide:
– la Ville est en travaux. C’est un fait, encore renforcée que le caractère électoral de l’année 2012 – vous savez ce que je pense de ces élections 😉 – mais aussi naturel: une Ville change, doit s’adapter en permanence aux nouveaux enjeux, aux nouveaux défis. Sur le fond le manque de « vision » des autorités pour penser la Ville de demain (la place faite à chaque type de moyen de locomotion est très parlante à ce sujet) est criant, mais on ne peut pas se plaindre que rien ne bouge… et aussi quand cela bouge. Le gros souci à mon sens est l’engorgement de travaux et l’impact sur les mobilités (piétonne, cycliste, en transport en communs et en voiture) et le commerce.
– la transition est excellente puisque le souci suivant concerne la Mobilité: beaucoup de difficultés pour les riverains directs et plus lointains (interdiction d’entrer dans certains quartiers sans laisser-passer). Outre que chacun voit midi à sa porte et ses besoins propres, la prolifération quasi anarchique de travaux en différents endroits de la Ville a joué un rôle indéniablement aggravant. Au-delà de ça un grand évènement engendre de grands chambardements, on l’assume ou pas: il « suffirait » de revoir nos ambitions à la baisse, de cesser d’organiser de grands évènements quel qu’en soit le type, pour résoudre ce genre de souci. Est-ce cela qu’on veut? A titre strictement personnel, ma réponse est: non.
– quelle crédibilité de ce sport? La question se pose pour tous les sports et avec beaucoup d’acuité pour le cyclisme. Je ne suis pas dupe et constate que de nombreux champions, anciens ou actuels, sont dopés ou se sont dopés. Je constate aussi une sévérité accrue envers les coureurs, un régime de whereabouts très exigeant et des suspensions dûes non-plus à de simples « contrôles » urinaires ou sanguins (dont on sait qu’il s’agit d’une course-poursuite sans fin entre fraudeurs de tous poils et labos) mais sur base de suivis dans la durée, à cause de données anormales. Qui croira que plus personne ne se dope? Pas moi. Qui jettera l’opprobre sans preuves? Pas moi non plus…
– quelle place accorder au « sport-spectacle »? Le Tour est une organisation privée, organisée par Amaury Sport (ASO) et qui a pour but de… gagner de l’argent. C’est un fait. C’est aussi un évènement centenaire, populaire au sens noble du terme, gratuit sur le bord des routes, d’une proximité incroyable avec le public au regard des efforts consentis/budgets engagés. C’est enfin un évènement qui par son histoire, son ampleur, son soutien populaire indéfectible, fait partie de la légende.
– quels budgets engager? La Province, on l’a dit et répété, a engagé grosso-modo 4,5 millions d’euros pour faire venir le Tour en région liégeoise. Elle estime qu’il y en aura autant en retombées, même si elle y confond allégrement chiffre d’affaires et bénéfice… Elle oublie également les milliers d’heures de travail prestées par les services de la signalisation, de la Police, les marchés publics conclus, la charge administrative globale, etc… C’est de l’argent, certes, public qui plus est, mais j’estime que cela en vaut le coup. Plusieurs jours d’exposition, ce sont autant de cartes postales envoyées au bout du monde, une visibilité réelle et enviable (chaque étape fait l’objet d’une reconnaissance minutieuse de la part des réalisateurs pour montrer paysages, curiosités, endroits remarquables…) par un diffuseur qui sait combien les images comptent pour les collectivités locales qui les accueillent!
Le « Grand Départ » du Tour fut à mon sens un réussite pour au moins 3 raisons:
– La réussite fut avant tout populaire. J’ai eu la chance d’assister au prologue depuis la parc d’Avroy et j’ai vu partout des gens passionnés, concernés, avides d’émotions vraies et de spectacle et il y en eût! Pour avoir parcouru à pieds (Judith juchée sur mes épaules!) le trajet de St Léonard vers la Ville, en passant par les quais noirs de monde à hauteur du rond-point, en remontant Féronstrée grouillant de hollandais en goguette, d’australiens débonnaires et de cyclotouristes de L.A., je puis témoigner de la grande foule. A tel point que la passerelle Opéra hors d’usage j’utilisai le « passage secret » via le -1 de l’Inno pour changer de trottoir et remonter Sauvenière et Avroy pour patienter 35 minutes au pied de St Gilles. Partout la foule et, presque toujours, du bon sens: « C’est normal qu’il y aie plein de gens, c’est le Tour, hein! », « Hé! Calmos et chaque son tour pour traverser! » même au plus chaud de l’attente… Dans toutes les langues, sur tout le parcours. Le plus impressionnant était le charmant débriefing multilingue d’après-course, sur le boulevard, des commentateurs d’un jour – heure du Village Gaulois pour les locaux et les visiteurs bien renseignés.
– L’image envoyée au monde fut magnifique. Belle organisation, foule des grands jours protéiforme, polyglotte et enthousiaste. Images des Guillemins – quel gâchis que cette esplanade vide mais passons -, Cathédrale et Palais, Terrasses inondées de soleil, parcs publics en nombre tels le Botanique, la Boverie, les Oblats, la Chartreuse, Avroy… Tant d’heures de direct, de belles images. Quand on compare le coût de ce grand départ avec celui, annuel, versé à Ecclestone pour la F1 – 10 millions d’euros hors investissements de sécurité et de conformité – pour quelques heures à filmer le (certes magnifique) anneau spadois, le gap est énorme et le retour sur investisssement nettement favorable! D’autant plus qu’il s’agit d’un spectacle GRATUIT proposé à tous, amateurs d’un jours ou passionnés de toujours!
– Mais mon sens, à quelques mois de la décision finale sur l’exposition internationale Liège 2017, la plus grande victoire fut d’établir à la face du monde la capacité de Liège à organiser de grands évènements. Pour le cyclisme aujourd’hui, une grande expo demain ou tout autre évènement d’envergure: on sait faire. Comment prétendre accueillir le monde entier – 600.000 visiteurs prévus – pendant 3 mois si on ne peut en accueillir 200 à 300.000 le temps d’un WE, pour le 3e évènement le plus médiatisé de la planète sport?
Or c’est clair: nous le pouvons! Oufti valèt, ah wé qu’on sait! Sure, we can!
Et tout le monde l’a vu!
Quelques images pour conclure, dans la vidéo ci-dessous:
– à partir de 1.30.56: départ puis parcours de Philippe Gilbert. Que de monde sur le parcours et que de bruit pour l’encourager. On entend aussi que les commentateurs de NBC connaissent leur métier!
– à partir de 1.56: de nombreuses images dont la Place St Lambert, le Palais, les Terrasses inondées de soleil… Je n’ai pas retrouvé la Cathédrale ni la Basilique St Martin, à mon sens la plus belle, juchée en haut de Publémont, toisant le commun, scrutant Sauvenière et Avroy, embrassant la plaine et présentant son clocher carré qui évoque autant les Piliers de la Terre que Games of Thrones!
Pour conclure: quelle grande Dame cette Petite Reine! Vous méritiez bien l’accueil princier d’ardents principautaires!
Un nouvel article sur Liège, le Tour de France, le cyclisme et les grands évènements! http://t.co/z2dcs60y
Cette position est un peu simpliste et, à mon sens, m’étant déjà fermement opposé à cet événement, je suis tenté de formuler des remarques constructives.
Aujourd’hui, que reste-t-il de cet événement si ce n’est rien ? Où sont les touristes, les investisseurs, les nouveaux habitants ? Est-ce que la ville s’est améliorée après le Tour en 2004 ? Poser la question, c’est y répondre. Je ne dis pas ça par esprit chagrin mais des articles sur Liège, je n’en trouve pas vraiment. Cette semaine, plus personne ne parle de notre cité.
Ensuite, concernant les désagréments, il est toujours plus simple de balayer les critiques par la suite mais Liège est incapable de gérer ce type d’événement. La plupart des habitants du parcours ont reçu un dépliant pendant la semaine où le Tour arrivait avec tous les aspects de mobilité et de désagréments. Comment est-il possible que Liège, une ville que l’on dit tournée vers l’avenir, soit parfaitement incapable de fournir du transport en commun en son hyper-centre pendant plusieurs jours ? Le pire étant que le tram présenté récemment n’aurait même pas résolu cette situation puisqu’il n’aurait pu rouler sur la piste central du boulevard d’Avroy.
Pour terminer, et pour tenter de ne pas faire trop long malgré les très nombreux points négatifs, comment peux-t-on se satisfaire d’avoir à l’écran des bâtiments sales, qui n’ont plus été nettoyés en profondeur depuis des dizaines d’années ? Le Palais des Princes-Evèques, la Cathédrale, etc.
Trois axes: Liège doit laisser la possibilité à ses habitants de participer à la fête et non pas leur faire sentir qu’ils doivent rester chez eux. Liège doit se doter d’une option souterrain ou aérienne pour son tram afin de libérer l’espace public. Liège doit se doter d’un plan d’entretien rigoureux et financé pour ses bâtiments les plus emblématiques.
Bonjour,
Une remarque fondamentale et quelques réponses point par point (mais en bref).
J’entends votre point de vue mais je pense qu’avant toute chose je vois le verre à moitié vide là où je le vois à moitié plein…
Sur le reste:
– Comme après tout grand évènement, sauf investissements majeurs, il ne reste rien sauf des émotions dans le coeur des gens et des images sur leur rétines. J’étais à l’étranger en 2004 et tout en l’ayant loupé je pourrais vous décrire très clairement comment ça s’est passé, quel était le temps l’enthousiasme et la foule, tant on me l’a raconté souvent, et de la part de personnes tantôt passionnées de cyclisme, tantôt simple citoyen(ne)s… Au final on peut dire la même chose de la St Torè, du XV Août ou du Carnaval du Nord, sauf qu’ici on a vu Liège en Mondovision. Si je puis résumer: je suis pour la petite reine 365 jours par an pour tous les liégeois ET à l’occasion de grands évènements populaires.
– Je ne balaie pas les désagréments du revers de la main, e préfère juste m’en accommoder et considérer que le jeu en vaut la chandelle: me suis retrouvé bloqué à l’entrée de la rue Bonne-Nouvelle en voulant rentrer chez moi après avoir fait ‘le grand tour’ pour aller dans le Laveu (parce que je suis un beau foireux et que j’avais oublié mon laisser-passer) + ai du dérouter des invités parisiens dont une femme enceinte pour qu’ils arrivent finalement chez moi avec difficulté.
– Personellement, je ne pense pas qu’au stade acteul des choses, avec la majorité qu’on a depuis si longtemps, on puisse dire que Liège soit « tournée vers l’avenir ». Il y a des choses qui vont dans le bon sens (Eco-Quartier à Coronmeuse, Tram, …) mais on est encore loin du compte. Avec mes colistiers on souhaite que ça change et on formule des propositions pour arrêter d’être si souvent à la ramasse… Ecolo dans la majorité est une nécessité pour projeter Liège dans le futur, le low-carbon, la transition écologique de l’économie, sans parler open-data, décumul, etc…
– Niveau mobilité l’aérien et le souterrain me semblent être de super idées, mais je serais curieux d’en connaître le coût!
– Par contre je vous rejoins sur l’entretien du patrimoine. Comme historien l’état de pas mal de bâtiments ou monument me dépriment. J’ai enragé comme pas possible de notre Perron bâché, du fait que les étudiants ne puissants plus monter sur le Torè, de la Fontaine de la Tradition si longtemps sanglée. Une meilleur collaboration avec IPW , CFWB et mécènes permettrait bien des choses: à faire donc! A contrario je n’ai pas de problème fondamental avec les travaux: une ville qui bouge est aussi une Ville qui se construit, il faut l’accepter et y renoncer c’est devenir une Ville-musée.
Merci pour votre commentaire!